Dieu a fait la Terre en 6 jours. Georges Hotz, lui, l’aurait faite en une matinée avec un iPhone. J’exagère surement l’idée mais avec le numérique, on ne sait jamais. Alors, avec une évidence et un sparadrap récalcitrant, nous allons voir comment le chapeau melon du numérique couvre le travail chauve de nos jours.
Un Américain de 26 ans, chez lui, a réussi, en totale discrétion, seul, à monter en kit la voiture autonome. Avec ça, il défie Google, Tesla et un petit peu toute l’industrie automobile.
Ça, c’est si vous avez échappé à la nouvelle.
Voici donc sa promesse :
Proposer un pack installable sur à peu près n’importe quelle voiture pour la rendre autonome et tout ça pour 1000 dollars.
A noter que ce pack a été testé en temps réel en compagnie d’un journaliste de Bloomberg et que …ça marche ! Du moins, sur autoroute. Soit le perfectionnement déjà atteint par la Citroën C4
qui sortira bientôt.
Cet américain, c’est Georges Hotz.
Je ne vais pas aller plus loin sur l’histoire du mec, juste notez qu’il a une page wikipédia qui lui est dédiée et en français en plus.
Ça c’est pour si vous voulez en savoir plus sur lui.
Il a juste fait l’équivalent du travail de plusieurs ingénieurs dotés d’un budget confortable comme celui de Google, de Tesla ou encore d’Apple en moins de temps et de moyens.
Bad ass, le mec !
Alors, en plus d’exercer une profession scalable
, il fournit un travail créatif
car en partant de rien, il a réussi à rendre automatisable potentiellement n’importe quelle voiture. En définitive, il confirme que si la voiture autonome a un bel avenir devant elle, c’est bien parce que conduire un véhicule est une activité davantage procédurale
et donc, accessible aux machines que de la créer de toutes pièces.
Explorons donc cette idée !
Le numérique a changé les rapports de performance au travail
Quelle est la différence entre un bon développeur et un excellent développeur ?
Ceci n’est pas une blague 😉
Vous séchez sur la réponse ? C’est pourtant simple, avec les métiers du numérique, un excellent développeur peut être 1000 fois plus performant qu’un bon développeur. Si ce n’est davantage. Ce rapport est injuste mais il est réel. Vous avez des développeurs informatiques qui font en une demi-journée ce que d’autres font en 3 mois
.
Cas réel !
Dans le cadre de la transition numérique, cela vaut de plus en plus pour tous les métiers. Un(e) secrétaire qui maîtrise les outils du numérique pour communiquer sera plus efficace qu’un(e) secrétaire qui correspond encore par courrier.
C’est évident !
C’est la même chose pour un CEO ou un recruteur voire un cordonnier.
Bien sur, pour revenir sur les écarts de performance, l’expérience peut l’expliquer en partie mais à expérience égale …c'est le talent qui fait vraiment la différence
.
Dans un précédent billet, je vous avais révélé que Google promeut les ingénieurs qui arrivent à automatiser leurs activités donc à supprimer totalement leur poste !
Ceux qui y parviennent, permettent surtout de diviser par 10 les ingénieurs nécessaires pour gérer des data centers
. Cela génère en fin de compte une concentration très dense de talents, surtout du numérique, puisque seuls ceux qui sont capables de telles prouesses restent dans l’entreprise. Les autres …leur poste a été automatisé.
Pour illustrer davantage cette théorie du lien entre concentration des talents et surperformance dans le numérique, prenons l’exemple de Facebook et de l’administration fiscale française.
Ici, je ne cherche pas à savoir si Facebook paye ses impôts en France. Ce n’est pas la question. Vous le devinez.
Je me pose plutôt la question de savoir comment 10 082 employés à Facebook en 2015 ont fait pour gérer les données de manière quotidienne de 1 milliard de personnes quand il faut 130 000 agents à l’administration fiscale française pour gérer annuellement celles des impôts de 70 millions de français à peu près.
C’est à la fois un mystère et une réalité !
C’est un mystère car réellement je l’ignore mais également une réalité car la Facebook a vraiment l’air d’être tellement plus efficace
que l’administration fiscale.
Bien sur, sur beaucoup de points, ces deux structures ne sont pas comparables. Je ne suis pas naïf. Cette comparaison sert surtout à illustrer le rapport entre une entreprise qui utilise le numérique et recrute des gens pour mieux l’utiliser encore et une organisation bureaucratique au sens industriel du terme. Du coup, ce n’est pas pour faire de l’anti-fonctionnaire puéril.
Faut pas déconner !
En tout cas, cet exemple est l’occasion de nous introduire à la notion de profession scalable à laquelle semble appartenir notamment les informaticiens.
Une profession scalable : don’t repeat yourself !
J’ai très longtemps cherché à trouver un moyen simple d’expliquer cette notion ou l’idée de l’exponentielle appliquée au travail. Il m’a fallut lire un chapitre du livre Le Cygne Noir de Nassim Nicholas Taleb pour trouver l’inspiration.
Ainsi, je considère comme professions scalables toute profession dont l’exercice ne demande pas de répétition pour sa distribution.
Bon, c’est vrai ! J’ai les yeux qui me grillent mes neurones à lire cette définition. Tous ces mots compliqués. Va falloir que je m’explique. 😉
Prenons un exemple. Prenons les journalistes. Cette profession est scalable puisque le journaliste n’a pas besoin de répéter
ou de réécrire un sujet pour chaque client qui le sollicite. Il écrit le sujet une seule fois qui est ensuite distribué des milliers voire des millions de fois via des journaux papiers ou télévisés ou même internet.
Ce n’est pas le cas d’un boulanger qui devra refaire autant de baguettes que ne le demandent ses clients
. Si par contre, il avait inventé une recette pour faire du pain qu’il aurait vendu ensuite, ce serait devenu une activité scalable. Lui, serait plutôt devenu un auteur de recettes de pain à succès.
Vous voyez l’idée ?
C’est la même chose pour un informaticien. Celui-ci n’a pas besoin de refaire son travail pour chaque utilisateur qui clique sur un site web. Ceci est même rangé en dogme de travail
pour eux avec le fameux :
Don’t repeat yourself !
Par contre, l’informaticien à un avantage supplémentaire sur d’autres professions scalables, c’est qu’il peut également personnaliser son travail
selon l’utilisateur sans avoir à faire un effort supplémentaire.
Plus concrètement, imaginez un journaliste qui vous donnerait les nouvelles qui vous intéresse vous et vous seulement.
Tentant, n’est ce pas ? Ou pas …
Imaginez qu’il puisse faire la même chose pour des milliers d’autres personnes sans perdre en qualité et surtout, sans avoir à recommencer un journal de zéro. En fait, je vous décris le travail que réalise certains algorithmes. Oui, c’est les algorithmes qui travaillent maintenant. Après, cela reste évidemment les informaticiens qui font les commandes nécessaires pour qu’il fonctionne bien.
Toujours les mêmes !
Mettons-nous tout de même d’accord sur une chose : le code binaire n’y est pour rien dans le succès d’un produit ou d’un journaliste …Il ne fait que distribuer à grande échelle le travail créatif
…ou pas d’ailleurs. Il n’est donc en rien responsable de son succès.
Le talent créatif et la compétence procédurale
Dans cette logique de rapport inégal à la performance au travail, Netflix oppose le travail procédural et le travail créatif. Le premier consiste en des métiers qui suivent des procédures et l’autre, qui s’en affranchissent. Bon, je caricature pas mal mais vous avez l’esprit !
Ainsi, c'est parmi ceux qui exercent des activités créatives (au sens large du terme) que la différence entre un bon et un excellent travailleur se fait vraiment
. Ce rapport serait de 10 selon Netflix. Je ne sais pas d’où sort ce chiffre, à vrai dire, mais retenons seulement ce qu’il veut illustrer.
Alors, imaginez à présent que vous exerciez une profession scalable avec des activités créatives pour lesquelles vous avez du talent. Un petit peu comme le Georges Hotz au-dessus.
Bingo !
Bien sur, beaucoup de monde aimerait faire un travail créatif mais, il faut admettre que la plupart d’entre nous réalise davantage un travail procédural. Du moins, pour les activités essentielles.
Toute activité où vous appliquez une procédure ou même respecter un processus voire des règles est un travail procédural.
Tout est dans le nom !
Les entreprises, quant à elles, courent après ces quelques créatifs rares qui sont 10x mais elles ont surtout besoin, en quantité, de personnes suivant des procédures. Il ne faut pas oublier qu’elles ne sont pas là pour créer de nouveaux business models
mais pour optimiser ceux existants. Les procédures et processus sont d’ailleurs faits pour cela.
Petite anecdote !
Je vais vous donner, selon moi, la principale raison pour laquelle Google a arrêté d’utiliser des casse-têtes en entretien de recrutement. Vous avez bien sur l’histoire ou le storytelling servi par Laszlo Bock qui est « DRH » du groupe pour dire qu’ils sont inefficaces. C’est autre chose que de dire que Google ne recrute plus autant de talents créatifs qu'auparavant
car les recrues sont davantage dédiées à l’optimisation de leurs produits existants.
J’en veux pour preuve que Google n’a plus sorti de produit ‘consumers’ ou grand public depuis Google + en 2013. Même les Google Glass ont vu leur distribution annulée.
Cela demande donc de changer les méthodes de recrutement puisque, en somme, vous ne recrutez pas de la même manière un créatif qu’un employé. On est un peu loin de ce que Eric Schmidt ex-CEO de Google appelle donc les smarts créatives :
A smart creative is a bright, hard-working person who will question the status-quo and attack things differently
Un smart creative est une personne brillante, bosseuse qui va questionner les status-quo et aborder les choses avec une vision différente.
Bref …J’ai fini de digresser !
Alors, s’il fallait retenir quelque chose, retenons ça : la distinction entre travail procédural et travail créatif. Cette distinction permet également de faire la différence entre compétences et talents. A noter qu’avec le numérique, nous sommes tous des Georges Hotz en puissance car nous avons tous des talents, c’est une vérité absolue. Ce qui est relatif, c’est l’organisation et surtout, comment elle fait pour faire exprimer et exploiter les talents. Souvenez-vous de Facebook !
En attendant, pour ceux qui se posaient un peu la question, les robots vont bien remplacer ceux qui sont compétents
mais pas ceux qui sont talentueux ou créatifs. Cela mériterait presque un autre billet de blog. Mais pas maintenant. Aujourd’hui, je préfère laisser la question ouverte avec la punchline d’Elbert Hubbard 😉
One machine can do the work of fifty ordinary men. No machine can do the work of one extraordinary man.
Une machine peut faire le travail de cinquante Hommes ordinaires. Aucune machine n’est sait faire le travail d’UN seul Homme extraordinaire.
Merci à Nicolas Terpolilli pour l’inspiration indirecte 😉