Expérience. Nom commun féminin. Connaissance des choses, acquise par l’usage du monde et de la vie.

Richard Branson a eu une fulgurance quand il a dit :

Occupez vous de vos employés, le reste suivra.

Cette évidence a l’accent fabuleux de rappeler que rien ne se fait sans les employés. Cela me rappelle aussi le bouquin de Vineet Nayar, ancien CEO d’une SSII indienne, intitulé :

Les employés d’abord. Les clients ensuite.

C’était tellement à contre courant de ce message qui, je pense, à laisser une emprunte tellement profonde en chacun de nous qu’on ne pourrait l’oublier sans arracher un morceau de notre cerveau. Vous savez, le fameux :

Le client est roi !

Il y avait une prise de conscience qui se faisait et cela annonçait plutôt des choses cool pour les employés : on allait s’occuper d’eux. D’ailleurs, il y avait sur ce sujet un alignement des astres puisqu’une étude sérieuse de l’institut Fémoikiffé venait confirmer que 99,9% des salariés aiment que l’on s’occupe d’eux. Chose dont on n’était pas très sur avant.

On ne va pas débattre longtemps de cette évidence mais plutôt des moyens pour nourrir celle-ci. Un temps, on nous avait parlé du bonheur au travail. Après la flamme qu’avait déclenché cette évocation, on s’est vite aperçu que c’était de la fumée. En ce moment, on est plutôt en train de nous sortir l’expérience employé sans forcément qu’on y voit une réelle différence avec les politiques de QVT. En réalité, on parle d'expérience employé comme avant on nous parlait de bonheur au travail. Juste un rebranding pas très réussi d’ailleurs.


Avec tous ces nouveaux mots, on s’y perd vite aussi.


Inutile de le préciser mais bon, je le fais quand même, quand on parle d’expérience employé on parle de l’expérience employé positive. D’ailleurs, tant que j’y suis je vais utiliser, par paresse intellectuelle surement, le terme d’expérience employé pour désigner aussi bien l’expérience collaborateur ou salarié. J’utilise ce terme comme un synonyme. Ceci étant dit …


…où en étais-je ?


Ah oui ! Cet intérêt pour l’expérience employé s’est notamment accru quand Airbnb a transformé son DRH en Chief Employee Experience Officer en 2015. Très largement salué par le monde des consultants RH et management pour ce mouvement précurseur. On ne compte plus les billets et articles qui poussent les DRH à devenir des CEEO. Sinon, pour ceux qui se posent la question, voici ce que peut bien faire le département experience employee d'Airbnb :

Nous nous mettons au service de nos employés de diverses façons. Qu’il s’agisse de concevoir un programme d’alimentation bon et sain, de mettre à la disposition de nos employés les technologies dernier cri, de recruter les talents les plus brillants pour travailler avec nous ou encore de faire de nos locaux un environnement de travail optimal, l’équipe Expérience employés touche à toutes les facettes d’Airbnb. Nous veillons à gérer la santé et le bonheur de l’entreprise. Et nous avons beaucoup de plaisir à le faire !1

Cela reste assez flou quand même et en réalité, je ne vois pas tellement la différence avec un Chief Happiness Officer (CHO) si ce n’est la partie recrutement peut être. Oui, c’est la seule différence que je vois. Bon ..ça ressemble donc, comme le CHO, à une position d'Office Manager ou OM mais avec pas mal de lettres en moins. Donc, on est encore sur de l’environnement, la qualité et les conditions de travail.


Sacré QVT 😉


De plus, ceci explique que ce soient des acteurs de l’environnement du travail comme Future Workplace qui donnent leur propre vision de l’expérience employé comme avec ce joli schéma ci-dessous :


Soit !


Du coup, l’expérience employé est-ce seulement ça ? C’est-à-dire les conditions de travail ?


Hum …Je vois certain(e)s faire non de la tête.



 
 

L’expérience employé : de quoi on parle ?

En effet, traduire l’expérience employé par cette seule facette, c’est non seulement la limiter mais c’est sacrément incorrecte aussi. Alors, mettons un peu de contexte !

L’expérience employé et expérience utilisateur

L’expérience employé est un concept assez neuf dont l’engouement nous vient des startups.

Evolution Google Trends du concept « Employee Experience »
Ce concept fait partie des innombrables termes du champ lexical startups auxquels on a collé un terme RH à la suite pour mieux les vendre aux entreprises qui n’étaient pas des startups (expérience candidat, proposition de valeur employeur…).


Pourquoi pas ?!


C’est l’expérience utilisateur ou UX qui avait donné un regain d’intérêt à cette idée. Bien qu’on parlait déjà avant d’expérience client. Mais bon, en attendant, il fallait comprendre par UX qu’il s’agissait de :

Person’s perceptions and responses resulting from the use and or anticipated use of a product, system or service.

Les perceptions et les réactions d’une personne résultant de l’usage et/ou de l’anticipation d’usage d’un produit, d’un système ou d’un service.


Définition retenue par la norme ISO 9241-210


Pour traduire cela en langage humain, l’expérience utilisateur a 3 objectifs. D’abord, elle sert à supprimer les points de friction, ensuite elle permet de reproduire des comportements d'usage facilement et enfin, quand c’est possible, elle suscite l’effet waw.

Voici par exemple des points de friction pour l’UX ou quand remplir un formulaire vous donne l’envie de jeter votre ordinateur sur un panda :

Alors, comment faire le parallèle avec l’expérience employé ? Ça va être compliqué cette histoire. Ceci dit, on pourrait voir l’expérience employé comme un moyen de supprimer les points de friction (avec l'équipe voire les outils), de reproduire des comportements productifs notamment et le tout avec un effet wow.


Hum …pourquoi pas ?!


On tient un truc là ! Néanmoins, on n’est pas encore totalement dans la philosophie de Vineet Nayar. On est pas dans quelque chose qui valorise et place au centre l’employé encore. Vraisemblablement, il faudra que l'expérience employé s'émancipe du terme qui l’a inspiré. On n’en est pas loin mais il faut continuer à creuser. Dans quelle direction ? C’est bien la question.

 
 

Qu’est ce qui fait l’expérience employé ?

Voici enfin venue la vraie question de cet article. Celle que je me pose depuis le début. Par contre, si j’ai décidé de vous en mettre une tartine de mots avant d’en arriver là, c’est pour prendre avec moi, le ressort de la déduction qui mène à la définition de l’expérience employé. C’est vrai, il n’y a pas tant que ça. Néanmoins, je suis tombé sur une que l’on va prendre le temps de décrypter avant de vous exposer la mienne.

Ainsi, Bertrand Duperrin, expert French web entre autre, qui parle de l’expérience employé comme :

L’expérience employé revient à simplifier, rendre agréable et accroitre la valeur de tout acte ou situation de travail2.


Hum …Ce n’est pas clair !


On est d’accord, cette définition a de quoi rendre perplexe. Comment un acte ou une situation de travail peut-il être à la fois simple et agréable ? Si je pousse un peu, comment rendre un acte de travail à la fois simple et agréable sans chercher à le supprimer totalement ? Si je pousse encore un peu, sans supprimer le poste au final ? Et puis, parle-t-on ici de pénibilité au travail ?

En définitive, cette définition, à mes yeux, apporte plus de questions que de réponses. Je pense que l’essence même de l’expérience employé se trouve dans une définition qui place l’employé au centre de celle-ci comme l’utilisateur est au centre de l’expérience utilisateur. Ce qui donne selon moi ceci :

Tout ce qui participe à donner à l’employé une employabilité exceptionnelle.


Rien de plus ni de moins !


 
 

L’expérience employé née pour apporter ma part de progrès

Je vous ai laissé sur un mic-drop avec une définition de l’expérience employé que je n’ai pas même cherché à expliquer. C’est ce qu’on va faire ici en rappelant une évidence simple et puis en donnant les trois piliers de l’expérience employé.

Quand l’employé est valorisé, l’entreprise l’est aussi

C’est vrai qu’à première vue parler d’employabilité peut déstabiliser. En fait, vous êtes en droit de vous demander ce que cela a avoir avec la choucroute. Ce terme n’est plus tellement sexy depuis qu’il est connoté politique, chômage …


Bouh le chômage !


Pourtant, l'employabilité est l'indicateur qui détermine la valeur d'un employé sur le marché du travail. Plus cet indicateur est haut et plus l’employé est talentueux.

Cet indicateur n’est pas parfait car il n’est pas totalement exprimé si ce n’est partiellement par le salaire et la position dans l’entreprise. Néanmoins, si je dois revenir aux basiques, valoriser un collaborateur, par définition, signifie bien lui donner de la valeur (supplémentaire). N’est ce pas là l’un des objectifs de l’expérience employé ? Ceci dit, cet indicateur fait ce qu'on lui demande, c'est à dire qu'il indique.

A l’origine, je voulais commenter les définitions retenues de l’employabilité par le ministère du travail ou encore par l’Organisation Internationale du Travail3 mais j’ ai tellement trouvé plus simple en la résumant à un cri. Ce cri poussé par une personne sure de trouver un nouveau taff quoiqu’il arrive :

Fuck le chômage !

Vous imaginez cette situation ? Votre boite, par les différents leviers dont elle dispose, vous amène à ce point où vous ne craigniez pas l’avenir. L’avenir professionnel pour être plus précis. Voire elle vous permet d’atteindre la pleine mesure de votre talent au lieu de seulement l’exploiter. On est d’accord, on est encore loin de ressentir cette expérience en entreprise. Tellement loin. Pourtant, ça serait également dans l’intérêt de celle-ci.

En effet, si l’employabilité peut déterminer la valeur d’un employé alors plus l'entreprise en dispose et plus elle peut être valorisée.


CQFD


Clairement, il y a un intérêt pour les entreprises à valoriser ses employés. Ce n’est pas neuf comme idée. Toutefois, l’employabilité n’a que très peu été abordée alors qu’elle est le pivot même de l'expérience employé. Bien sur, vous allez me dire que les employés exceptionnels seront alors courtisés et pourraient partir. C’est vrai ! Néanmoins, c’est oublier sur ce quoi repose l’expérience employé. A savoir que celle-ci est au top quand on travaille et/ou on communique avec des personnes de haut niveau avec un matériel de pointe sur un projet de ouf. Soit, autant de bonnes raisons de rester. Ce sont là les 3 leviers de l’expérience employé.


Bref … pour conclure, nous l’avons vu, nous sommes assez loin de cette idée de qualité et conditions de vie au travail. Elle est trop limitée et ne consacre pas l’employé au centre de celle-ci. On est encore moins dans le gadget des tables de ping-pong ou encore des resto bio à volonté mais dans ce qui donne sens dans le travail. Au final, si je devais résumer l’expérience employé, c’est en fait ce qui donne envie de travailler. Tout simplement.

A l’énoncé de cette évidence, il y a donc 3 piliers à l'expérience employé que sont le réseau, le matériel et le travail en lui-même. Tous sont interdépendants. Je reviendrai plus en détails sur le pourquoi du comment de ceux-ci dans un prochain billet. En attendant, retenons bien une chose simple de l’expérience employé :

C’est celle qui donne une employabilité exceptionnelle aux employés


Tu parles d’une expérience ! Oui ? Non ? J’ai mal au ventre je te dirai demain ?


Et voilà ! J’espère que c’est un peu plus clair pour vous cette notion. Il m’a fallu moi-même du temps pour extirper le sens de celle-ci sans tomber dans la langue de bois et une théorie fumeuse. Je ne sais pas vous, mais moi, je me sens soulagé d’avoir écrit cet article. Depuis que ça trotte dans ma tête et que je fouille la nuque de la lune. Ça fait du bien !

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