Je me suis toujours demandé à quel moment certaines choses perdaient leur sens. Ça reste une énigme globale pour moi. Au moins, j’aurais pu extérioriser un peu avec le cas épineux des écoles de commerce 🙂

Voilà c’est dit ! C’est un gros parpaing balancé dans une flaque d’un mois d’avril pluvieux (pléonasme) mais au moins c’est dit. Ce qui est dit c’est tout simplement que les écoles de commerce ne forment pas au commerce. L’écrire ainsi de manière affirmative, c’est enlever les derniers gants de diplomatie que peut le faire une question. Si maintenant je peux être aussi catégorique, c’est que plusieurs constats sont à faire et on va les faire ensemble.

D’abord, commençons par le mot de la discorde : commerce. En réalité, tout part de ce mot ou plutôt de cette question :

Qu’est ce que le commerce ?

À cela, la seule réponse qui me vient en tête c’est celle d’un (vieux) sketch des Guignols de l’info. Dans ce sketch, la world company donne un séminaire sur ce qu’est le commerce (justement) à des grands patrons du CAC 40. Pour cela, il font intervenir un expert du sujet, à savoir l’épicier arabe du coin, ça c’est pour la caricature. Celui-ci à une réponse magique qui me reste, des années après, encore en mémoire :

Le commerce, c’est quand tu achètes pour 1 et tu vends pour 2. C’est tout !

Je vous passe les protestations qui viennent de l’auditoire à l’énoncé de cette évidence mais disons qu’elles ont été nourries. D’ailleurs, j’aurais aimé vous partager cet extrait épique mais je n’ai pas eu le courage de le retrouver parmi les nombreux épisodes des Guignols. Pour les plus téméraires, ce sketch a été diffusé durant les années Messier à Canal +.

Bref … Retenons donc simplement alors que le commerce c’est le fait d’acheter pour 1 et de vendre pour 2. La définition Wikipédia ne dit pas autre chose d’ailleurs :

Le commerce désigne l’ activité économique d’achat et de revente de biens et de services, en particulier l’achat dans le but de revendre avec un profit ou un bénéfice.

Voilà qui est posé !

Maintenant, on va voir le coeur du sujet et essayer de comprendre si les écoles de commerce ne forment pas au commerce, alors elles forment à quoi en vrai ?

#1 – Les écoles de commerce forment au marketing ou plutôt à l’histoire du marketing

Les écoles de commerce sont devenues, pour la plupart, des lieux d’enseignements pluridisciplinaires où le commerce est devenu au grès des années et des opportunités, un fragment de plus en plus ténu de l’enseignement transmis au milieu de formation en droit, en RH, en gestion et j’en passe …

Pour vous en convaincre, je vous propose de jeter un oeil aux différents programmes des formations de ces écoles et si vous ne savez pas par où commencer, le classement des écoles de commerce est un excellent début. On retiendra ici que le classement est fait indépendamment des compétences et connaissances des étudiants à faire du commerce.

En effet, ce n’est donc pas une surprise d’apprendre que 90 % des étudiants qui sortent de ces écoles sortent avec un bagage RH, finance, management ou marketing.

D’ailleurs, si l’on veut poser un regard encore plus pointu sur ces programmes, on remarquera que la part belle est même donnée au management et au marketing.

Quand je dis marketing … Tempérons un peu notre enthousiasme. En réalité, il faut plus parler de l’histoire du marketing.

C’est aussi l’enseignement qui veut ça. Il est exclusivement tourné sur ce qui a marché avant. Parfois, ce « avant » remonte vraiment à très loin. On se retrouve avec des étudiants formés par des historiens du marketing.

Bien sur, le fait que des praticiens extérieurs puissent intervenir dans les cursus tempèrent ce constat. Néanmoins, je garde encore en tête ce témoignage d’un ami qui m’avait fait part de sa surprise quand l’un de ses profs lui a dit que le publipostage était une solution qui avant encore un GRAND avenir devant lui. Je cite.

Au final, les écoles de commerce tiennent plus de l’école que du commerce. Nous pourrions nous en réjouir mais la vraie question, c’est pourquoi encore les appeler école de commerce. Afin d’en terminer avec ce constat, je n’oublie pas d’appuyer mon propos sur le fait également que le marketing enseigné dans ses écoles, de plus, n’a pas de vrai lien avec le commerce.

#2 – Le marketing n’est pas une VRAIE discipline en soi

Voilà un constat qui va certainement faire réagir beaucoup d’entre nous. Assis devant un distributeur de canettes, je me suis posé une question certaine mais je n’avais pas imaginé qu’elle allait tout changer dans mon approche pratique et opérationnelle du marketing. Cette question c’était :

Qu’est ce que le marketing ?

J’en suis arrivé à la conclusion que le marketing c’est de la vente d’une part et de la communication de l’autre. Voilà résolu ce grand mystère et par la même occasion, la baudruche du marketing se dégonfler sous les coups d’épines de la vente et donc, de la communication.

Je fais le choix délibéré de ne pas développer cette partie car elle m’éloignerait du sujet. Néanmoins, j’ouvre le débat et je ne demande qu’à avoir tort. Aussi, ne venait pas me dire que le marketing c’est « une aide à la vente » car au final, aide à la vente ou pas, cela reste surtout de la vente.

Pour poursuivre, malheureusement, dans les écoles de commerce, je ne peux m’empêcher de remarquer que c’est plutôt le coté communication qui est donné en priorité. Le nombre de masters en Marketing-Communication est, pour moi, le flagrant exemple de ce constat.

Bon …Si le marketing n’est pas une vraie discipline en soi et qu’elle est en fait l’étude conjuguée de la communication et de la vente alors où est passée la vente ? C’est la question.

#3 – École de commerce et non une école du commerce

Je l’avoue maintenant. En abordant le commerce, je voulais davantage attirer l’attention sur la vente et sur le fait que les écoles de commerce ne forment pas à la vente. Ce qui n’enlève rien aux constats précédent, je dirais même plus que ça déchire les différents rideaux de langues de bois qui nous empêchaient de voir cette évidence. Pourtant, elle est importante …

Comme j’aime les choses simples, on va rappeler les 3 grandes parties d’une entreprise. On a la partie production, la partie commerciale et tout le reste.

Pour faire court, les écoles d’ingénieurs sont plutôt là pour développer la partie production et donc, les écoles de commerce pour la partie commerciale. Pour la partie commerciale, il faut comprendre simplement : vendre et surtout vendre plus.

C’est fou mais cette question n’est strictement pas abordée en école de commerce. Clairement, l’enseignement ne porte pas sur comment closer plus de deals, comment développer le chiffre d’affaires etc … Généralement, on papillonne autour du sujet sans réellement y répondre et transmettre les techniques et méthodes qui font vendre plus et donc générer plus de profit. Soit l’essence même du commerce. Soit ce que l’on pourrait attendre de toute école de commerce. C’est tout leur principal échec.


De ces constats, en fait, j’en tire plusieurs conclusions. La principale c’est, comme subtilement évoqué plus haut, les écoles de commerce tiennent plus des écoles que du commerce. En conséquence de quoi, les étudiants d’école de commerce ne savent pas vendre. Un comble. Un comble que je vérifie tous les jours quand je forme de jeunes startuppers au pitch commercial, au mail de prospection …

Aussi, si les écoles de commerce ne forment pas, les étudiants ont deux alternatives : soit ils se forment sur le tas soit en entreprise par des stages ou de l’alternance. Alors à quoi peuvent bien servir les écoles si ce n’est fournir un prête-nom juridique aux entreprises dans la formation au commerce des étudiants. Maintenant, celles-ci ne sont pas forcément meilleures en formation car en termes commercial, elles utilisent 0,1% du potentiel d’internet.

Bon …peut être serait-il serait temps que les écoles de commerce forment au commerce. Comme on le dit à Saleshub, si le closing commercial est une science, il faudrait maintenant qu’il ait ses scientifiques.